Transatlantica 4/ 2004
Christine DESAFY-GRIGNARD. Arthur Miller : Une vie à luvre. Paris : Michel Houdiard Editeur, 2003. 424 p. 26 euros. Lu par Trudy Bolter (Institut dEtudes Politiques, Université Montesquieu-Bordeaux IV). [droit de réponse à ce compte rendu de Christine Desafy-Grignard ; réponse de Trudy Bolter]
Lon a parfois limpression de tenir entre les mains le premier jet mal corrigé dun livre nécessaire (car peu douvrages francophones sur Miller sont disponibles) mais inachevé. Il, est dommage que si peu de place soit accordée aux aspects théoriques du thème. Il est dautant plus difficile dexcuser la profusion derreurs sur tous les plans: orthographe, histoire, histoire culturelle [1]. Le traitement dOdets (comme dONeill et Williams) est tronqué, superficiel [2]. Les notes (trop rares) lorsquelles sont présentes, sont souvent incomplètes. Quelques développements comme la discussion (134) du caractère tragique de Salesman sont rapides, dénués dexemples, sans références, et napparaissent pas vraiment comme discours méticuleusement construit. Lanalyse manque parfois de rigueur. Cest grave, car Desafy-Grignard sattache à montrer que Miller est auteur « juif », « juif psychologique » qui « trahit sa judéité » (379) par des intuitions se rapprochant de celles de Freud, davantage que « par le cadre de ses pièces»(379). Il sagit même dun « écrivain religieux », « malgré son image de juif séculier » (381). Ce point de vue, qui se rapproche en partie de ceux dHarold Bloom ou Ellen Schiff, qui le développent autrement [3], serait plus convaincant à mon avis sil nétait pas affaibli par la présence de formulations essentialistes irréfléchies. Je cite comme exemple en le soulignant une maladresse regrettable parmi dautres :
Utilisant sans nuance des termes éculés tels que la « yiddish mamma » [5] (22) pour décrire les personnages, lauteur frôle parfois le stéréotype déplaisant (19, le juif « caméléon »). Recourir à ce type de raccourci me semble paresseux, voire dangereux . Malgré les lacunes et les analyses qui me paraissent contestables, Christine Desafy-Grignard a eu la bonne idée de faire exister un livre sur un auteur majeur qui mérite de revenir à la mode. Elle traduit de langlais de grands extraits de luvre millerienne et rend ainsi accessible à un plus large public les écrits dun dramaturge qui associe poésie de la scène et conscience politique. 1. Un exemple : « Constantin Stanislavski, ancien du Group Theater, mort en 1938. » (193). 2. Et notamment de sa pièce Awake and Sing (1935) traitant du caractère chimérique du rêve américain révélé dans le vécu dune famille dimmigrés juifs, qui fait partie de lintertexte évidente de Death of a Salesman, Il aurait été intéressant de traiter aussi la façon dOdets dêtre (et ne pas être) auteur « juif » peu de temps avant (et en même temps que) Miller. 3. Harold Bloom, ed., Arthur Miller, Coll. Blooms BioCritiques, Broomall, Pa., Chelsea House, 2003 (5), et Ellen Schiff, ed., Awake and Singing : Seven Classic Plays from the American Jewish Repertoire, Harmondsworth, England, Penguin Mentor,1995, (xix). 4. Une question : où est le « dogme » du judaïsme ? religion sans « pape » mais aux mille commentateurs, la diversité étant tout aussi typique du judaïsme que du protestantisme américains. Mme. Miller, spirite, faisait tirer les cartes avant le départ de son fils pour luniversité, activait avec délectation sa planchette OuÏja, communiquait avec l « autre » monde, pratiques assez courantes àlépoque (années 20), à témoin le milieu du poète W.B. Yeats totalement différent mais obsédé par ces questions. 5. Personnage autoritaire présent, selon lauteur, dans « toute la littérature juive américaine » (aucun titre nest donné comme exemple précis). |
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