Transatlantica 3/ 2003
Daniel ROYOT. La littérature américaine. Paris: Presses Universitaires de France, collection Que sais-je, mars 2004, 125 pages, ISBN: 2 13 054124 0. Lu par Anne Garrait-Bourrier (Université de Clermont-Ferrand). Le présent ouvrage se situe justement entre culture et littérature et demeure fidèle à l'esprit que Daniel Royot a su initier dans ses précédents ouvrages en portant sur la littérature un regard contextualisateur et culturaliste, c'est-à-dire, en d'autres termes, en la rendant vivante. Tel est bien en effet le projet de l'ouvrage panoramique de Daniel Royot: mettre en relief l'extrême variété et le dynamisme d'une littérature en perpétuelle mutation et qui prend son identité dans les contours d'une nation jeune, elle-même en devenir. L'ouvrage se divise en neuf chapitres qui s'enchaînent chronologiquement, de la création de l'Amérique ("De l'Amérique coloniale à la Jeune République") à nos jours ("Littérature en mosaïque du temps présent"). Le parti pris de départ est donc clairement historique et contextuel. Ces chapitres se subdivisent quant à eux en sous-chapitres, de longueur variable en fonction des goûts de l'auteur, et dont les thèmes peuvent varier du contextuel ("Ecrits du Sud", par exemple, qui s'inscrit dans le contexte d'un sud esclavagiste...), au thématique ( "La poésie en quête d'images" qui permet une analyse plus poétique...) en passant par des sous-chapitres entièrement consacrés à des auteurs et à leurs uvres (Poe, Hawthorne, Melville mais aussi Paul Auster ou Cormac Mac Carthy...). Ce cheminement tout à fait original et propre à Daniel Royot, confère à cet ouvrage caractère et personnalité, tout autant d'ailleurs qu'il respecte l'évolution d'une littérature qui oscille entre écritures utilitaires, transcendantales, politisées, revendicatrices ou nihilistes, au gré des époques et des événements sociétaux. L'élément qui permet le lien et fait de cet ouvrage un véritable livre et non pas un simple catalogue de noms ou de mouvements littéraires, est l'humanité qui s'en dégage. Lorsque l'Amérique manque d'humanité, sa littérature s'en ressent (chapitre 1) et Daniel Royot ne s'appesantit pas sur elle; lorsqu'au contraire l'humain reprend ses droits dans l'évolution du pays et vient enrichir la littérature, là, l'auteur s'autorise quelques commentaires plus appuyés. Ainsi le chapitre "Contre-culture, postmodernité et fiction expérimentale" présente-t-il de manière exhaustive les divers mouvements littéraires qui "s'attaquent de front à lestablishment" et mènent, après une exploration du chaos, à la redécouverte de "nouvelles ressources spirituelles pour l'humanité". Daniel Royot souligne ainsi de manière efficace le mouvement perpétuellement cyclique de cette littérature qui, d'enthousiasmes en désillusions, s'autodétruit puis s'autorégénère en allant puiser à la source des grands écrivains humanistes qui ont marqué la "renaissance de l'Amérique". Les pages qui précèdent la conclusion de l'ouvrage sont particulièrement importantes dans le sens où elles semblent souligner un véritable changement dans le fonctionnement littéraire américain. Evoquant la littérature amérindienne, Daniel Royot indique qu'il s'agit là d'une "renaissance culturelle" qui semble n'émaner que d'elle-même, c'est-à-dire de l'humain justement, et non pas d'un héritage reçu de la culture dominante. Après avoir mentionné à juste titre Momaday, Welch, Silko, Vizenor et Erdrich - devenus à leur tour canoniques - il n'omet cependant pas de citer Paul Gunn Allen et surtout, Vine Deloria, souvent injustement négligé par les indianistes eux-mêmes. La bibliographie, nécessairement un peu succincte, rend hommage aux travaux de quelques universitaires américanistes ayant publié des ouvrages d'importance dans le domaine des études américaines (Pierre Lagayette, Elyette Benjamin-Labarthe et Pierre-Yves Pétillon y sont cités...) et évoque les maisons d'édition sensibles à la recherche américaniste (Belin, par exemple...). Cet ouvrage est donc bien un outil précieux pour tous ceux qui, possédant déjà un solide bagage dans le secteur des études américaines, souhaiteraient remettre un peu d'ordre dans leurs souvenirs et mieux cerner la cohérence d'une littérature qui, et il serait coupable de l'oublier, s'inscrit au cur de l'histoire. |
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