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Adrien LHERM. La culture américaine , Paris, Editions Le Cavalier Bleu, Idées reçues, 126 p., Novembre 2002. Lu par Anne Ollivier-Mellios (Université Paris 12).
Demblée, louvrage pose à bon escient quelques questions essentielles sur le sens du mot culture et met en lumière la différence entre la Culture au sens à la fois plus philosophique et élitiste que lui donnent par exemple les Français et la culture, terme au sens plus large et quasi anthropologique utilisé plus communément dans les pays anglo-saxons et notamment aux Etats-Unis. Pour Adrien Lherm, la première ne peut exister sans la seconde. Il va même jusquà se demander dans lintroduction si Culture et culture ne sont pas une même réalité aux Etats-Unis. Louvrage est structuré en trois parties intitulées « culture vous avez dit culture ? », « quelle culture ? » et « une mosaïque de cultures ». Dans chacune des parties de courts chapitres passent en revue un certain nombre didées reçues sur la culture américaine. Sont notamment abordés les questions ayant trait à lexistence dune culture aux Etats-Unis, son absence de passé, son impérialisme, sa superficialité, sa dépendance par rapport aux lois du marché, son pragmatisme, la standardisation, sa dimension plurielle. Chaque chapitre est loccasion pour lauteur de pointer les limites de ces idées reçues et de montrer comment la vision quont les Français de la culture américaine, leur « mé-compréhension » (plutôt quincompréhension) a pour origine leur méconnaissance de lhistoire américaine. Quelques exemples : si lon sétonne en France de labsence dun véritable magistère exercé par le gouvernement central en matière de culture, on comprend mieux cette configuration originale (dune culture décentralisée où les initiatives privées et le mécénat jouent un rôle central) si lon prend en compte lhistoire longue de ce modèle culturel dont les racines historiques remontent au temps de la réforme et linspiration renvoie aux pays dEurope du Nord (p.58). De même, les traditions (politiques et économiques) de ce côté-ci de lAtlantique sont aux antipodes dun système libéral américain dans lequel « la culture est une activité comme une autre qui ressortit au libre jeu des intérêts économiques ». Et A.Lherm de poursuivre : « ne relevant pas dune quelconque exception, la culture américaine dépend de la logique terrestre des intérêts et son principe est celui du marché » (p.61). On pourrait multiplier à linfini ces exemples dincompréhension réciproque qui trouvent leur source dans des traditions, philosophique (pragmatisme), religieuse, politique voire économique souvent très différentes. Parce quil est structuré autour de ces fameuses « idées reçues » quont les Français de la culture américaine, louvrage est dun accès facile et renseigne très utilement le lecteur sur maint aspects de la civilisation/culture américaine.
Le parti pris de lauteur semble avoir été déviter une approche historique chronologique afin, on la dit, de prendre comme point de départ de son analyse les « idées reçues». On pourra peut être objecter que, ce choix, sil ne gêne pas le lecteur averti, néclaire pas toujours suffisamment létudiant ou le lecteur en quête de repères historiques solides. On peut par exemple regretter que le rapport entre culture et grandes valeurs américaines ne soit abordé quà la page 59 ou que les rapports entre religion et culture soient évoqués à plusieurs reprises, forçant ainsi le lecteur à parfois revenir en arrière dans sa lecture (p.18, p.29, p.85). On peut également se demander si lune des particularités de cette culture américaine nest pas davoir constamment réfléchi à son rapport à lEurope, ainsi quau rapport entre culture dominante (mainstream) et contre culture ou culture contestataire. Cette auto réflexion de la culture (ou plus exactement des « producteurs culturels ») me semble être lapanage dun pays qui, tout en ayant une culture jugée hégémonique par lEurope, a toujours souffert (ou cru souffrir) dun déficit culturel vis-à-vis de cette même Europe. Ce rapport complexe nest guère évoqué dans louvrage. Enfin, il semble quAdrien Lherm finisse par opter pour une définition très large de la culture américaine comme synonyme de civilisation américaine. Cette option présentée parmi dautres dans lintroduction semble simposer dans les dernières pages de louvrage, sans que lauteur explique réellement ce qui la conduit à privilégier cette définition par rapport aux autres. Ces quelques remarques et interrogations sont bien la preuve quAdrien Lherm, par les thèmes quil aborde, stimule la réflexion de ses lecteurs. Au final, son ouvrage offre une synthèse très intéressante des différentes formes de culture américaine et quelques analyses particulièrement bien inspirées sur ces « différentes logiques sociales et nationales qui conduisent à des divergences dappréciation sur la culture » de part et dautre de lAtlantique.
(Note : La liberté dexpression nest pas garantie par le Deuxième amendement (p.51) mais par le Premier. Steinbeck (p27) ne fait pas partie de la lost generation.)
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