Transatlantica 3/ 2003
William R. HANDLEY. Marriage, Violence and the Nation in the American Literary West. Cambridge : Cambridge University Press, 2002. 261 p. Lu par Hélène Christol (Université de Provence). Lobjet essentiel de Marriage est cependant lanalyse des relations entre mariage, nation et violence dans les oeuvres de fiction écrites à lépoque qui suit la fermeture de la frontière. La thèse de Handley, cest quau 20ème siècle, les figures de lautre, et en particulier celle de lIndien, disparaissent, même dans les textes les plus nostalgiques et populaires de la littérature de lOuest. La violence devient familiale, signe quune culture blanche hégémonique se tourne contre elle-même, inward, après avoir conquis les peuples et les cultures étrangères: Imperialism brings its guns home, comme lécrit Handley. Doù lintérêt détudier les représentations du mariage comme lieu et symbole de la vie privée (après avoir été le symbole de la nation), le cercle de la famille et des familiers où se déroulent les conflits les plus violents quait mis en scène la littérature de la post-frontière. Handley le fait en six chapitres; trois dentre eux sont consacrés à des auteurs qui semblent encore servir les desseins de lempire à lorée du 20ème siècle, Turner bien sûr et sa frontière rhétorique, Owen Wister et sa reformulation du sens de la démocratie et du caractère américain dans un ouvrage comme The Virginian, et enfin Zane Grey et son roman populaire, Riders of the Purple Sage , qui permet à Handley de se pencher sur la figure du Mormon et sur le lien entre polygamie et empire. Les trois derniers chapitres introduisent quatre autres visions du mariage et de la violence dans la littérature de lOuest: le unwedded West de Willa Cather, lOuest perdu de Fitzgerald dans Great Gatsby et enfin celui des promesses et échecs des noces américaines dans certaines oeuvres de Didion et de Stegner. Les textes de ces auteurs révisent les allégories traditionnelles de la force (masculine) et de la soumission (féminine), de la liberté individuelle confrontée aux contraintes de la civilisation. Loin cependant dopposer les auteurs du premier groupe à ceux de la subversion du mythe, Handley retrouve en fait chez tous, par le biais de la mise en scène de relations privées, une lecture oblique, critique, de lépopée de la nation qui remet en cause la croyance américaine dans les idéaux de liberté individuelle, de conquête, de destinée manifeste et de progrès. Par lanalyse pertinente doeuvres choisies, cet ouvrage tente donc dapporter des réponses à la question de savoir pourquoi et comment une culture passe de liconisation du héros turnérien à la représentation quasi-obsessive des échecs et de conflits domestiques dans le cadre familial. En chemin, il a mené son lecteur sur des pistes variées, avec brio et parfois humour, jetant un regard nouveau sur des textes connus et découvrant aussi des textes moins connus, travail de pionnier à la recherche dun Ouest différent. Il sera très utile à tous ceux quintéressent lhistoire et la littérature de lOuest, mais aussi plus largement, à ceux qui continuent de sinterroger sur le sens que donnent les Etats-Unis à leur destinée manifeste dans ses dimensions publiques et privées. Les problèmes que soulève Handley en toute lucidité attestent à la fois de la richesse de sa recherche et de lactualité des questions quelle pose. Son livre nous semble donc un jalon nécessaire pour quiconque sintéresse aux études américaines. |
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