|
Richard GODBEER. Sexual Revolution in Early America, Baltimore (Md), The Johns Hopkins University Press, 2002, 430p. Lu par Eliane Elmaleh (Université du Maine, Le Mans).
Cet ouvrage, au titre provocateur, dévoile la complexité et la surprenante multiplicité des comportements sexuels dans lAmérique coloniale. Lobjectif principal de lauteur est de révéler lexistence dun clivage persistant entre théorie et pratique, entre laffichage dune Amérique puritaine dont les idéologies officielles et les normes morales ont été reconstruites au travers de décrets gouvernementaux, lois, décisions juridiques, sermons, traités théologiques ou encore littérature didactique, et une Amérique sexuellement subversive, celle sur laquelle Godbeer a choisi de se pencher en analysant par exemple les témoignages scandalisés des pasteurs et hommes déglise qui découvraient les pratiques sexuelles dans le Nouveau Monde. Godbeer met donc en avant une autre facette de lAmérique coloniale, une Amérique où les relations sexuelles avant ou hors mariage nétaient pas scandaleuses mais au contraire courantes, et qui contredit fortement limage stéréotypée de labstinence puritaine véhiculée par limaginaire national. Correspondances privées, journaux intimes (tenus par une élite dhommes blancs lettrés), rapports daffaires juridiques à caractère sexuel, journaux et magazines populaires qui en exposant les scandales et crimes sexuels ont pu donner la parole à des points de vue alternatifs et divulguer des informations sur des comportements interdits sont ainsi passés en revue pour redéfinir la « culture sexuelle » de lépoque. Godbeer est un historien qui a choisi de mener une étude des murs sexuelles sur le territoire des colonies Britanniques sur deux siècles, de la période coloniale aux premières décennies de la République. Cet ouvrage ne se veut pas une étude générale de la sexualité, cest plutôt une sélection de cas qui permettent de mieux comprendre le rôle quelle a pu avoir, son impact et la place quelle a eu dans larchitecture morale et culturelle de la société, ainsi que la façon dont ont évolué les controverses durant une période où limposition dun ordre moral paraissait dautant plus urgent que lenvironnement primitif dans lequel les colons se retrouvaient, semblait, pour les tenants dun ordre moral, encourager les tendances barbares et avilissantes, pouvant mener à une dégénération culturelle symbolisée par la présence des Indiens, et par la suite des Africains qui menaçaient de contaminer les colons et compromettre leur civilisation. L'auteur montre bien que la sexualité etait perçue comme le symbole des multiples dangers auxquels étaient exposés les colons durant une période marquée par l'incertitude politique, économique et culturelle, et la raison pour laquelle elle devint la cible principale de ceux qui pensaient que le péché et le chaos menaçaient les colonies.
|