Transatlantica 2 / 2002
Patricia CRAIN. The Story of A: The Alphabetization of America from The New England Primer to the Scarlet Letter. Stanford, Ca. : Stanford University Press, 2000. 315 p. Lu par Malie Montagutelli (Université Paris 8) Lalphabet et les lettres sont ici considérés comme des artefacts culturels, avec leurs caractéristiques propres et, pour en faire lanalyse, lauteur fait tour à tour appel à différentes disciplines comme lanthropologie, lhistoire de lart, lhistoire de lalphabétisation, lhistoire tout court, la communication, léducation, les arts graphiques, la linguistique, la littérature, les sciences des média, la rhétorique, la sémiotique et la typographie. Crain étudie le va-et-vient entre le texte et limage et les implications qua ce mouvement dans lacculturation, la socialisation et lidéologie de lindividu, en tant quapprenant et lecteur, comme de la société. Le lecteur découvre lévolution survenue entre les premiers abécédaires et ceux qui furent écrits et publiés au XIXe siècle. Ainsi, on peut voir la place occupée par lenfant dans la société américaine jusquà la fin du XVIIIe siècle, pendant une époque où lalphabétisation relève du domaine de lEglise, puis de la sphère publique, autant, ou même davantage, que de la responsabilité des parents ; on voit également, durant cette première période, le recul de lEglise comme agent de lalphabétisation, à un moment où la publication dabécédaires et de livres de lecture se multiplie au point de devenir un marché florissant. Les abécédaires et livres pour enfants du XIXe siècle révèlent lapparition dune nouvelle idéologie domestique centrée autour du foyer et de la mère, caractéristique de la classe moyenne émergeante. Dans une seconde partie, lauteur étudie deux romans tout deux publiés en 1850, The Wide, Wide World, dont lauteur est Susan Warner, et l'oeuvre classique de Nathanael Hawthorne, The Scarlet Letter. Crain analyse le rôle joué, dans lhistoire imaginée par Warner, par les notions dalphabétisation et dacquisition du savoir sur son héroïne, Ellen Montgomery. Ces notions sont pour Ellen lhéritage que lui a laissé sa mère et Crain voit en celles-ci une représentation de certaines des valeurs culturelles propres à la société américaine dalors. Dans le roman de Hawthorne, le décor nest plus celui de lenfance, mais celui du monde adulte et de ses règles. Une analyse minutieuse est faite de la représentation symbolique dune action par une lettre, du lien entre lécrit, loralité et limaginaire, sans oublier le pouvoir exercé par le signe sur les différents personnages du roman, en particulier sur Hester et sa fille, Pearl. Un épilogue ramène le lecteur à la période contemporaine. Lauteur y ébauche une réflexion sur la place des lettres dans un environnement culturel postmoderne en ayant recours à trois exemples : The F House, tableau peint en 1987 par le peintre américain Edward Ruscha, F for failure dans la notation des devoirs scolaires et lutilisation de lettres dans la série télévisée, Sesame Street. A travers létude de lalphabet, Patricia Crain montre le lien profond que lhomme entretient avec le langage, la relation que ladulte établit avec lenfant et le discours quil tient sur lenfant. Son livre fait preuve dune érudition fine dans de nombreuses disciplines ; il est dune lecture agréable, car elle rattache toujours la théorie et la réflexion intellectuelle à la réalité des très nombreux documents qui illustrent son ouvrage. |
|