Transatlantica 3/ 2003

 

Exilés et réfugiés politiques aux Etats-Unis : 1789-2000. Sous la direction de Catherine COLLOMP et Mario MENENDÉZ. Paris : CNRS Editions, 2003. 302 pages. 24 euros. Lu par Taoufik Djebali (Université de Caen).

Dans cet ouvrage collectif de 16 contributions portant sur les exilés et les réfugiés politiques aux Etats-Unis de 1789 à 2000, C. Collomp et M. Menendez se sont efforcés, dans un souci évident de clarté, d’approfondissement et de cohérence, de présenter un travail à la fois chronologique et thématique. Le grand intérêt de cet ouvrage est l’analyse sans complaisance de la continuité et des changements des perceptions et des politiques concernant les réfugiés aux USA.

L’ouvrage commence astucieusement par un article de B. Groppo (« Exilés, réfugiés, émigrés, immigrés. Problèmes de définition ») qui constitue une tentative de conceptualisation mettant en lumière non seulement la différence et les nuances entre immigration traditionnelle et refuge politique, mais définit également le cadre théorique de l’ensemble de l’ouvrage, même si quelques contributions ont dû apporter des précisions et des ajustements supplémentaires.

Tout au long de ce travail, une idée-force se dégage : les Etats-Unis n’ont pas été nécessairement la terre d’asile pour tous les opprimés de la terre, comme ils l’ont toujours prétendu. Des considérations raciales, idéologiques, politiques et économiques ont fortement conditionné les orientations de leur politique d’accueil des réfugiés. Ces considérations sont clairement établies notamment dans les articles « La porte étroite » de C. Collomp, « Hommes publics, armes secrètes » de S. Dufoix et « Origines et devenir de la notion d’exception cubaine » de M. Forteaux. Exilés et réfugiés politiques aux USA met en évidence la mainmise du Département d’Etat sur la définition et l’application de la politique d’asile aux USA. Les considérations humanitaires et le respect des lois internationales sur l’asile politique ne semblent pas être une priorité pour les gouvernements américains successifs. L’exemple des Cubains, des Haïtiens et des juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale est révélateur dans ce sens. D’ailleurs, l’article de Dominique Daniel (« Dans l’ombre de la loi ») montre avec pertinence l’ambiguïté du statut de réfugié et d’exilé politique et la fragilité sociale qui en résulte. En effet, le protectionnisme apparent, que D. Daniel associe à la réforme du welfare de 1996, semble contredire le principe même de la politique d’accueil.

La période de plus de deux siècles couverte par cet ouvrage peut paraître à première vue très longue pour offrir une analyse approfondie des mécanismes et de politique de refuge aux USA. Cependant, une période aussi longue a l’avantage de permettre de dégager les grandes tendances de la politique de refuge et de mieux comprendre les transformations ou la continuité de cette politique. On peut cependant reprocher à cet ouvrage le déséquilibre flagrant dans le traitement des différentes périodes historiques. Seules 21 pages ont été consacrées au 19e siècle contre 206 pages pour le 20e siècle. D’autant que dans un ouvrage sur les exilés politiques aux Etats-Unis, rien n’a été dit sur les réfugiés irlandais de 1848 ni sur les « exilés » de la Grande Famine.

Ces quelques reproches cependant, ne sauraient réduire en rien les nombreuses qualités de cet ouvrage de référence qui vient compléter les rares études faites en France sur cette question centrale de l’histoire américaine. Il sera nécessaire de l’actualiser suite aux événements du 11 septembre 2001- événements mentionnés dans l’introduction mais dont on comprendra qu’au moment de la mise sous presse de cet ouvrage, il n y avait pas assez de recul historique pour permettre une étude rigoureuse et scientifique de cette question.

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