Transatlantica 3/ 2003
Martine AZUELOS, dir. Travail et emploi : l'expérience anglo-saxonne, vol. 1, Aspects historiques. Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001. 273 pp. Lus par Pierre Gervais (Université Paris 8 CENA/EHESS).
Si certaines contributions du deuxième volume, sur les aspects contemporains du sujet, souffrent de la même tendance à la généralisation et à l'imprécision chronologique et empirique, les spécialistes des Etats-Unis y trouveront tout de même plus d'éléments les concernant directement. Six contributions portent en effet sur les Etats-Unis, outre la petite mise au point bibliographique de Christophe Daniel sur les théories récentes du marché du travail, exploitable par des étudiants en économie. Olivier Frayssé, suivant un raisonnement proche de celui de Jacques-Henri Coste, tente de démontrer que la crise actuelle du monde salarié aux Etats-Unis est en réalité un retour aux formes de travail pré-fordistes, «lockiennes et jeffersoniennes». Si le procès d'ailleurs pas vraiment neuf du modèle social étatsunien est instruit avec une certaine précision, il reste que là encore, l'identification anachronique du travail de l'époque de Locke et du salariat contemporain n'est pas vraiment justifiée dans l'article, qui se conclut d'ailleurs non sur cette question, mais sur une analyse sommaire du réveil syndical actuel aux Etats-Unis. Une toute autre approche méthodologique apparaît dans le reste de ce volume, avec les contributions de Taoufik Djebali («Travail et welfare aux Etats-Unis : la nouvelle stratégie de la réforme de 1996»), Martine Azuelos («Fiscalité et incitation au travail : de l'Earned Income Tax Credit au Working Families' Tax Credit»), Laurence Gervais-Linon («Minorités et géographie socio-économique de l'emploi aux Etats-Unis : le cas de Chicago»), et Danièle Stewart («Le femmes et le monde du travail aux Etats-Unis»). Dans ces quatre cas, il s'agit de mises au point synthétisant une bibliographie récente, voire quelques sources primaires, en particulier sur Chicago, à propos d'objets d'étude restreints : législation particulière, politique d'emploi des minorités dans une municipalité donnée, ou indicateurs empiriques des inégalités persistantes entre hommes et femmes sur le lieu de travail. Sans viser à renouveler les problématiques des champs de recherche dont relève leur sujet, ces auteurs nous offrent des chiffres et des références récents, ainsi que des historiques ou des descriptions parfois sommaires, mais le plus souvent assez clairs, surtout en ce qui concerne les trois derniers auteurs cités. Enfin, Donna Kesselman brosse un panorama assez complet, et qui a le mérite de la concision, de l'état du syndicalisme étatsunien aujourd'hui et des discours politiques qui en émanent («syndicats américains et mondialisation»). Au total, la combinaison de réflexions théoriques larges mais pas toujours parfaitement maîtrisées et de synthèses monographiques sur des sujets particuliers, plus ou moins précises mais le plus souvent sans visée méthodologique ambitieuse, ne permet pas d'aboutir à une image vraiment cohérente d'un modèle «anglo-saxon» (ou plutôt anglo-américain) du travail et de l'emploi, malgré les efforts méritoires des présentatrices pour relier tous ces éléments dans la préface du deuxième volume. Il faut dire que malgré des cadres théoriques parfois diamétralement opposés, les participants à cette collection ne dialoguent pas véritablement, juxtaposant le plus souvent des contributions dont certaines sont franchement contradictoires. La quinzaine d'articles consacrés à la Grande-Bretagne n'apparaît d'ailleurs pas beaucoup plus unifiée aux yeux du non-spécialiste qu'est le présent lecteur. Enfin, les spécialistes des Etats-Unis regretteront l'absence d'effort monographique sur leur terrain d'étude dans le premier volume. Malgré le caractère intéressant ou novateur de certaines hypothèses semées au hasard des pages, cette collection doit donc être utilisée comme source d'informations plus que d'idées nouvelles, malgré son statut de publication issue d'un colloque un reproche que l'on pourrait d'ailleurs faire à bon nombre d'ouvrages du même type. Parmi ces derniers, Travail et emploi ne démérite pas, sur un sujet complexe et important. Il convient donc de saluer cette tentative, même si elle n'aboutit pas toujours aux résultats espérés |
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