Transatlantica 1 / 2001
Beverly HAVILAND. Henry James's Last Romance : Making Sense of the Past and the American Scene. Cambridge : Cambridge UP, 1998. xv + 275pp., £35.00, $54.95. Lu par Annick Duperray (Université de Provence) L'ouvrage de Beverly Haviland se situe dans la nouvelle mouvance des études jamesiennes qui s'efforcent de concilier les approches culturelles et sémiotiques. Il s'agit d'entreprendre « the cultural work of reconstructing the much aesthetized master » et de poursuivre l'entreprise inaugurée par Jonathan Freedman dans Professions of Taste : Henry James, British Aestheticism, and Commodity Culture, (1991) ; Haviland consacre la majeure partie de son étude à The American Scene (1907), véritable document culturel et social, et également aux 2 romans inachevés, The Sense of the Past (1900/1917) et The Ivory Tower (1910-17) qui reflètent l'évolution des moeurs au tournant du siècle. Pour James l'avenir d'une société dépend fondamentalement de la mise en relation du passé et du présent. Son effort pour comprendre le New York du Lower East Side dépend de la manière dont il va pouvoir le relier ou le confronter au Washington Square de sa jeunesse. The Ivory Tower donne lieu à un échange de points de vue entre « old Newport » et « the new Woman » qui s'avère indispensable si l'on désire donner un sens à l'évolution des conventions patriarcales. Enfin, c'est à The Sense of the Past qu'Haviland réserve l'appellation « James's last romance » : « The best future James ever imagines remains unwritten in his last romance, his fabulous story of time travel ». Haviland se propose de dénoncer le contresens qui a consisté à faire de James un conservateur nostalgique, vu son attachement à la mémoire collective. Durant les décennies 1960/70, certains critiques ont cru voir à l'oeuvre des tendances discriminatoires, voire racistes, dans plusieurs passages de The American Scene consacrés au nouveaux immigrants ou aux populations noires du sud ; en fait ces pages ont des accents contemporains dans la mesure où elles font état d'une conscience aiguë de la notion de différence culturelle et d'une perspicacité remarquable quant aux limites de l'acculturation. Haviland applique les méthodes du Nouvel Historicisme en confrontant les textes de James à ceux d'autres idéologues (Henry James Senior sur le féminisme ,Thornstein Veblen, C.S. Peirce, Jacob A. Riis), mais prend ses distances cependant par rapport aux excès d'une lecture téléologique, « progressiste » de l'histoire (« the whig interpretation of history »), qui voit systématiquement le présent comme le meilleur des mondes que le passé voulait atteindre. De telles analyses fonctionnent par effet de miroir : le présent devient la métaphore qui révèle le passé et Haviland s'insurge contre l'erreur commise par des critiques comme Matthiessen qui, en plaquant sur le contexte des premières années du siècle un langage informé par les doctrines nazies, ont fait de James le penseur réactionnaire qu'il n'a jamais été. Pour éviter ces amalgames Haviland a recours à la sémiotique et l'on peut trouver d'excellentes analyses des stratégies textuelles grâce auxquelles James rend compte d'un processus d'oblitération de l'histoire (voir le chapitre « The Blank States of America »), et des silences insolites qui pèsent sur la scène américaine. Le passage le plus révélateur de la capacité de subversion propre au texte jamesien est précisément celui où il s'emploie à faire le diagnostic de l'Amérique du point de vue des minorités indiennes. Haviland rappelle d'ailleurs ironiquement que ce passage fut lui aussi éliminé - Harper's le supprima pour la première édition de The American Scene. En bref, l'ouvrage d'Haviland constitue un ensemble convaincant et stimulant qui a de surcroît le mérite d'attirer l'attention sur une partie souvent négligée de l'oeuvre de James. |
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